En pleine nuit un avion nous parachute au milieu des montagnes
En pleine nuit un avion nous parachute au milieu des montagnes, dans les fronces de la robe andine, et nos talons résonnent sur le parquet ciré : aéroport d’acier et de verre, palais des glaces sur un relief aride.
Un autobus nous emporte vers la ville, glisse sur le ruban de la route neuve, comme une bille sur les parois d’une vasque, tournoie véloce vers le noir chu, le long des pentes dynamitées, bétonnées, d’un gris verdâtre et très lisse : autoroute gagnée sur l’improbable, terres et pierres figées dans le mortier, plantes et vers étouffés, latex tiré sur la bouche du monde. On a asphyxié la surface grouillante de la terre, la croûte cassante du temps géologique, notre habitat, notre présent de crème brûlée – et en dessous dans la roche en fusion, les forces chtoniennes se fendent la gueule.
Un taxi dessine son éclair flavescent, chaloupe sur les boulevards déserts, effraie les chiens errants, évite de peu un amoncellement (des lambeaux de vinyle?), grimpe des rampes étroites, négocie des passages grêles, vole au-dessus des toits et découvre un quartier, nous largue devant une façade close, portail d’acier couleur de bronze, percé d’une ouverture grillagée. Un visage vient s’y encadrer, qui reconnaît le gringo, c’est son sésame : ¡Buenas noches! et le loquet grince. On est épuisé, il faudra bien trouver le sommeil.