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On voudrait de cette chute à un détail près

#Tipang, #Indonésie, 12 juillet 2019

Du village qui dort devant l’îlot tout rond, derrière les toits et les flèches modestes, sur les pentes herbeuses qui glissent vers le lac, il y a ce jaillissement blanc, une eau puissante. On veut s’y rendre, on ne sait pas comment. On tente un chemin étroit, fait pour les marcheurs et les scooters, à travers les champs jeunes. On demande notre chemin aux hommes en train de boire des cafés sous un toit de tôle. On fraye à travers les maisons basses, les poules et les poussins, le linge à sécher, la vie petite et courageuse. Sur notre passage des enfants s’accrochent à nous, comme une ribambelle de canisses tintantes. Le scooter n’ira pas plus loin : il faut marcher maintenant. Dans cette heure on est père et mère de neuf enfants, joyeusetés qui caquettent le long du sentier, réjouies de cette visite imprévue, excitées à la vue d'un bule. On piste à travers les herbes hautes, comme des gerboises tremblantes, et soudain la chute : cela tombe puis s’étage, creuse des bassins de palier en palier. Les enfants se sont déjà déshabillés : ils sautent, plongent, font des sauts périlleux, puis viennent grelotter sur le rocher, et vous mirent de leurs grands yeux curieux.

On enlève notre t-shirt, nos pantalons, tout sauf les boxers, et on saute dans l’eau fraîche, précipitée sur les parois volcaniques. Celle qui nous accompagne aurait voulu se baigner aussi, mais un homme mûr survient, qui tient une machette. On voudrait d’un lieu où il n’y aurait que des amants, et des enfants : un lieu où l'on pourrait sans gêne se baigner nus, s’embrasser au milieu des rires et des gamineries. On voudrait de ce lieu ou presque, du réel ou presque, de cette chute à un détail près.

Sur le chemin du retour, des doigts se lèvent vers les feuillages. Un petit garçon pieds nus grimpe dans un manguier, agile comme un singe, et fait pleuvoir les petits fruits jaune vert. Dans la rizière une famille bat les plants de riz, d’un dur labeur qui ramène sur terre. Sur la route les moteurs grondent, dans les cafés les hommes s’assomment de tuak. Il y a les ferry-boats sur le lac et la ville là-bas. On reprend le chemin du terrestre.

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