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Dans une petite ville de province qui voudrait bien dormir

#Lampang, #Thaïlande, 11 décembre 2019 Dans une petite ville de province qui voudrait bien dormir, Lampang qui regrette peut-être les temps plus tranquilles, l’époque des marcheurs et des bicyclettes, l’âge des barques glissant sur la rivière Wang – voire le temps où les véhicules se pouvaient compter, poignée d’autos et motos pour lesquelles on avait construit les ponts. Oh les ponts grêles de Lampang sur la rivière Wang! Pont blanc au faîte bas où défilent les voitures, tout juste assez large pour les deux directions, orné aux deux bouts d’un coq qui chante ses couleurs. Et cent mètres en aval : pont de béton terne et très exigu, pour les scooters seulement – les scooters et ceux qui ont des jambes. On y marche, dans l’heure de pointe qui ne laisse aucun répit. Lampang s’est étalée, le béton a coulé, les caisses sur roues se sont multipliées – comme partout ailleurs. À la pointe du soir, sur les petits ponts de la petite ville, autos et motos vont en rangs serrés – fluide sans oxygène, huile sans bulle d’air –, à l’étroit sur ces ouvrages conçus pour une ville qui n’est plus. Au milieu du pont à scooters, deux pêcheurs à l’arbalète, crosse à l’épaule, arme pointée vers les eaux sales. À main droite, un large tuyau vomit des eaux usées. À la surface de la Wang flottent des nappes brunes et louches, symptôme d’une eau malade. Tête cagoulée pour se protéger du soleil, les arbalétriers espèrent le poisson qui nage dans cette soupe. À leurs pieds, un tilapia asphyxié, pêché plus tôt aujourd'hui, laissé à sécher sur le béton, dans la poussière du trafic. Ce soir il s'étendra sur un grill, se retournera de temps en temps, rêvera de rien du tout – aura connu nos eaux aura connu nos routes. Bientôt il fera noir. Et se dresseront les étals du marché du soir. Il y aura des brochettes, des fritures, des gâteaux, des petites crêpes à la noix de coco, des abats de porc. Il y aura du poisson grillé – ปลาเผา, plaa paw. Dans les shops de la rue du vieux marché – la rue Talad Gao –, dans les maisons en pain d’épice – les gingerbread houses –, dans les maisons chinoises en rangée, derrière les portes-accordéons, des marchands somnolent devant des télés à écran plat, larges comme les poissons dont on se vante. Quelque chose veut dormir dans ce monde, quelque chose glisse sous une chape – mais les moteurs tournent et tournent et n'arrêtent pas de bourdonner...

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