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La route se vallonne entre les riches ranchs

Arundel-Pine Hill, #Québec, #Canada, 26 août 2020


Sur la route qui descend des pays d’en haut, des montagnes de feuillus qui purgent leurs derniers verts, avant que l’automne n’épande ses rouges forts, à cheval sur la Honda Shadow chromée, on penche dans les courbes qui se moulent aux lacs, on avale les paysages et leur luxe d’été.


La route se vallonne entre les riches ranchs : chevaux très lisses posés sur les prés, vaches comme des roches – des statues dans les champs –, bœufs Highland à la longue robe rousse, hardes de cerfs rouges aux bois de velours.


Maisons pièce sur pièce en pin équarri, terrains de golf vert tendre, champs de fleurs moutarde, terre riche des cimetières. Même les vieilles granges – leurs planches grises, leurs toits qui arènent, leurs murs qui dépendent des étais arc-boutés –, même les vieilles granges ont quelque chose d’opulent.


Mais les campagnes ont bu le sang des villages, et à Arundel, à Lost River, les vieux hôtels sont morts, les pubs fermés – enseignes pâlies, façades closes –, et la vie se concentre sur les dépanneurs, Arundel Provisions, Magasin Général Lost River : cannages, bars Mars, frigos de boissons et de bières, et plus aucun souvenir de ce qu’était un magasin général, au temps du curé Labelle et du train du Nord.


À Pine Hill on descend à l’Hôtel du Chasseur, anciennement Pine Hill Inn – la vieille enseigne anglaise est suspendue dans la salle à manger. Sculptures d’ours, panaches d’orignaux, canards postiches, scènes de chasse, comptoir de bois enduit de résine – on s’y assoit, on commande une chopine de malt blanc. C’est soirée spaghetti, la salle se remplit vite – de femmes et d'hommes bien mis, cheveux blancs ou poivre et sel, venus manger des pâtes sauce bolognaise à quatre dollars.


On est ici en décalage, en passage comme partout ailleurs. Les pins altiers flottent au-dessus des routes et des maisons, au-dessus des gens.

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